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Solidarité et innovation sociale : fermes communautaires

31 janvier 2025 | Nouvelles, Permaculture, Ressources

En janvier 2025, la permaculture continue de tracer sa route vers des modèles plus résilients, inclusifs et équitables. Cette année marque un tournant important pour deux fermes communautaires : Les Bontés de la Vallée et Cadet Roussel, qui lancent leur deuxième année d’expérimentation d’un modèle d’innovation sociale basé sur le soutien communautaire et a philosophie de la permaculture. En 2024, Les Bontés de la Vallée ont fait parler d’elles et ont attiré l’attention des médias, notamment à travers un reportage de Radio-Canada : Le Téléjournal 18h.

Un modèle émergent : les fermes communautaires

Les fermes soutenues par la communauté (FSC) repoussent les limites des modèles agricoles traditionnels en plaçant les relations humaines et la collaboration au cœur de leur fonctionnement. Ces fermes s’appuient sur la participation active de leurs membres et redéfinissent la mise en marché de leurs produits. Plutôt que de se limiter à un modèle consommatric·eur-productric·eur, elles invitent leurs membres à devenir des co-créateurs, participant à des décisions importantes comme les cultures à planter, les prix, ou encore l’organisation des distributions.

Cette année, Les Bontés de la Vallée poursuit son ambition de renforcer cet esprit de NOUS, en transformant la ferme pas à pas en un espace collectif de gouvernance partagée et de résilience sociale.

Fertiles accompagne depuis deux ans des Bontés de la Vallée, qui a lancé sa cagnotte jusqu’à fin février 2025, un dispositif de financement participatif qui permet aux membres de la communauté de contribuer selon leurs moyens pour assurer la viabilité de la ferme et garantir une rémunération juste aux fermier·es. Cette initiative renforce l’esprit d’autonomie collective et de solidarité locale, tout en favorisant une distribution plus équitable des ressources agricoles.


Mettre en marché autrement : réinventer les échanges en innovation sociale

Un des défis clés pour ces fermes est de repenser la mise en marché des produits agricoles. Comment garantir un équilibre entre une production écologique, une accessibilité pour les membres et une juste rémunération pour les fermier·es ?

Les fermes communautaires répondent à cette question en misant sur des structures plus souples, qui permettent de s’adapter aux besoins des membres et des fermier·es. Par exemple :

  • Cagnotte communautaire : les membres contribuent selon leurs moyens pour soutenir des saisons agricoles imprévisibles.
  • Distribution flexible : les paniers sont adaptés à la variabilité des récoltes, réduisant ainsi le gaspillage alimentaire.
  • Marchés équitables : les prix sont fixés en consultation avec les membres, tenant compte des coûts réels et des valeurs éthiques de la ferme, permettant ainsi de sortir partiellement et des fluctuations économiques internationales.
Fermes-communautaires-innovation-sociale-Bontés de la Vallée-distribution

Développer le NOUS : gouvernance partagée et structures flexibles inspirées de la permaculture

L’une des forces potentielles réside dans leur organisation. En s’éloignant des hiérarchies rigides, ces fermes ambitionnent d’adopter des modèles de gouvernance partagée inspirés de la permaculture. L’objectif : favoriser la prise de décision collective, la responsabilité partagée équitable et la résilience organisationnelle tout en s’inscrivant dans le réel, chacun·e son métier et son rôle, les fermier·es restent les personnes agricultrices de la ferme.

Les principes de la gouvernance partagée seront enseignés aux membres des Bontés de la Vallées, via une introduction à la permaculture, notamment dans les sections consacrées aux structures invisibles qu’on appelle parfois la permaculture sociale. Ces structures, souvent oubliées au profit des aspects pratiques comme les jardins ou les systèmes d’eau, sont pourtant essentielles à la création de communautés nourricières durables. Elles incluent :

  • La gestion des communs : ressources partagées comme la terre ou les outils.
  • Les processus d’intelligence collective : pour que chaque voix soit entendue.
  • La communication non violente : élément central pour créer un environnement coopératif.

En s’inspirant des travaux de Paulo Freire sur l’éducation populaire et de ceux de l’éducation relative à l’environnement de l’UQAM, ces fermes sont aussi des lieux d’éducation et d’expérimentation sociale.

Fermes communautaires - innovation sociale- Les Bontés de la Vallée - groupe multiage

Une éducation à la permaculture : des outils pour le changement

Les formations en permaculture peuvent jouer un rôle crucial dans la transformation des fermes comme des sociétés. En abordant des thématiques comme les écosystèmes sociaux, elles éduquent les participant·es et les membres à concevoir des organisations humaines aussi résilientes et diversifiées s’inspirant de la nature elle-même.

Pour aller plus loin, nous vous recommandons le livre Notre ville permaculturelle. Ce livre explore comment la permaculture peut transformer nos villes en espaces de solidarité et de prospérité partagée, il est co-écrit par 11 autrices praticiennes.


Un modèle réplicable et inspirant?

Les initiatives des fermes Les Bontés de la Vallée et Cadet Roussel sont bien plus que des fermes : ce sont des laboratoires d’innovation sociale. Elles offrent des laboratoires concrets de ce que signifie prendre soin des humains à travers une organisation qui se veut inclusive, comme le décrit Mylène Pinard-L’Abbée dans son mémoire de maîtrise de l’UQAM sur la permaculture et l’économie sociale.

Alors que ces fermes entament leur deuxième année, Les Bontés de la Vallée vont permettre de mettre en lumière que la permaculture n’est pas seulement une méthode de culture, mais aussi un modèle de vie, de gouvernance et de justice sociale. Toutefois, bien que ce modèle puisse inspirer d’autres initiatives, sa réplicabilité doit être envisagée avec nuance. La méthodologie OBREDIM en permaculture permet de s’inspirer et d’adapter en fonction des contextes locaux. Il est essentiel de considérer les réalités spécifiques : la situation des consomm’atrice·urs du Plateau Mont-Royal à Montréal n’a rien à voir avec celle des habitant·es du Bas-du-Fleuve. De même, les savoir-faire varient d’une région à l’autre. Aux Bontés de la Vallée, de nombreux membres excellent en communication, gestion et organisation, mais possèdent moins d’expertise agricole, alors qu’en Gaspésie ou au Lac-Saint-Jean, ce pourrait être l’inverse. Ainsi, il ne s’agit pas de répliquer mécaniquement un modèle, mais bien de l’adapter intelligemment selon le contexte. C’est une question de bon sens!